Une chimiothérapie compassionnelle est-elle éthique?

Auteur: 
Velter Charles
Date de publication: 
2014

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Résumé: 
Introduction : De nouvelles thérapies spécifiques ont contribué à allonger la durée de vie et à chroniciser la maladie cancéreuse. De nouveaux profils de patients de plus en plus complexes apparaissent et soulèvent des problématiques nouvelles pour les médecins. Ces derniers sont parfois confrontés à la décision de prescription d’une chimiothérapie compassionnelle. Une chimiothérapie compassionnelle correspond à une chimiothérapie prescrite sous prétexte de ne pas désespérer un patient en phase avancée d’un cancer, alors que le prescripteur sait que cette chimiothérapie n’aura d’impact ni sur la durée de survie, ni sur la qualité de vie, voire même qu’elle aura probablement des effets indésirables toxiques importants. Une telle chimiothérapie est à différencier d’une chimiothérapie palliative qui a un objectif thérapeutique, qui est le soulagement d’un symptôme. L’objectif de cette étude était d’analyser le processus décisionnel des médecins confrontés aux patients atteints d’un cancer avancé, en situation de recevoir une chimiothérapie compassionnelle, et d’analyser leur comportement, leur raisonnement face à un tel patient en situation d’incurabilité. Méthodologie : Nous avons conçu un Questionnaire à Choix Multiples (QCM) concernant les décisions de prise en charge à partir d’un patient rencontré en stage et l’avons adressé en Avril 2014 par courrier électronique à 427 oncologues pour leur demander quelle attitude thérapeutique ils auraient adoptée dans cette situation. Une partie du QCM ciblait la notion de chimiothérapie compassionnelle. Résultats : 62 réponses ont été reçues (taux de réponse : 14,5 %). La moitié des médecins répondeurs avaient moins de 30 ans. Ils étaient pour la plupart oncologues de formation (77%) et exerçaient dans un CHU ou un CLCC (84%). 25% des médecins n’auraient pas mis en place de soins palliatifs chez un patient PS3 (performance status), cachectique ayant une maladie métastatique grave et incurable et 71% lui auraient prescrit une chimiothérapie. 79% auraient été prêts à prescrire une chimiothérapie pour protéger un patient d’un discours médical trop désespérant, même si l’état clinico-biologique était défavorable (chimiothérapie compassionnelle). 68% des médecins auraient pris seul leur décision thérapeutique sans passer par une réunion de concertation pluridisciplinaire. 5% des médecins auraient prescrit une chimiothérapie de façon irréductible (« jusqu’au bout »). 30% des médecins ne connaissaient pas les outils de calcul des scores d’espérance de vie. 45% des médecins étaient demandeurs d’une autorité pour les aider dans le processus décisionnel. 94% étaient ouverts à d’autres expertises pour accompagner le patient. Discussion: Ces résultats nous ont conduits à émettre des propositions pour la prise en charge des patients en mauvais état général avec un cancer avancé incurable : faire connaître le champ de la médecine palliative et des soins de support, rendre obligatoire la pluridisciplinarité et notamment la Réunion de Concertation Pluridisciplinaire décisionnelle, confier l’annonce de la fin des thérapeutiques anti-cancéreuses à un médecin du service autre que le médecin-référent, inciter les patients à rédiger des directives anticipées, solliciter les pouvoirs publics à un positionnement précis sur cette problématique et ces propositions. Conclusion : Des actions de formation des personnels de santé et d’information du grand public, le développement de la prise de décision pluridisciplinaire, et l’incitation des patients à la rédaction des directives anticipées semblent nécessaires pour améliorer la prise en charge des patients avec un cancer avancé, incurable, et en mauvais état général.
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Mots-clés: 
cancer