Conceptions du soin envers les patients en état végétatif chronique et en état paucirelationnel chronique, au sein d’unités dédiées: Points de vue de soignants et analyse critique

Auteur: 
Saoût Virginie
Date de publication: 
2008

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Après une atteinte cérébrale aiguë, traumatique ou médicale, certains patients restent
dans un état séquellaire grave, appelé « état végétatif chronique ». Il est défini médicalement
par la présence de cycles veille-sommeil avec un maintien complet ou partiel des fonctions
automatiques de l’hypothalamus et du tronc cérébral, mais l’absence de toute manifestation de
vie relationnelle. Lorsqu’il existe un degré minimal de réponse à quelques stimulations,
réponse en général fluctuante dans le temps, le patient est dit en « état paucirelationnel ». La
prise en charge de ces patients, quand ils sont dans ces états de manière permanente, est
organisée en France dans des unités spécifiques.
La relation avec ces patients pourrait être décrite comme unilatérale, en l'absence de
manifestation de conscience ou quand cette manifestation est très pauvre. Comment alors ces
professionnels se positionnent-ils par rapport à ces patients ? A travers le soin apporté aux
patients en état végétatif et paucirelationnel chroniques, quelles conceptions de la notion de
personne pourraient être soulevées dans le discours des soignants? L’étude est descriptive,
qualitative, avec pour objectif d’étudier, sur la base d’entretiens semi directifs envers des
soignants, leurs conceptions du soin, de la relation avec ces patients. Les entretiens ont été
réalisés auprès de médecins, de cadres de santé, d’infirmiers, d’aides-soignants, de
kinésithérapeutes, de psychologues travaillant dans des unités dédiées aux patients en état
végétatif chronique et en état paucirelationnel, de tailles et de dispositions diverses.
Le soin envers ces patients est toujours le lieu de questionnements, d’incertitudes.
L’un des aspects dégagés est celui de l’utilisation d’un nouveau type de langage, celui du
corps. Il est décrit comme un savoir, acquis progressivement, il est basé sur une observation
minutieuse, une attention, une vigilance, non dénuées parfois d’interprétations et de
projections. Par ailleurs, le rapport avec la famille est décrit comme primordial, non
uniquement dans le processus décisionnel. Il s’agit en effet de prendre soin également des
proches. De plus, le regard institutionnel, la réponse sociale sont importants, dans le sens où
ils donnent une place à celui qui est soigné, le définissant, en écho aux conceptions de la
plupart des soignants, comme une personne, ayant une dignité et ayant droit au respect. Enfin,
ces patients ne sont pas considérés par les soignants comme étant en fin de vie. La prise de
décision à leur sujet est toujours voulue comme résultant d’une procédure collégiale, incluant
la famille, en considérant la juste proportion entre les avantages et les désavantages des
décisions. Le soin a pour visée le confort.
Ces considérations s’incluent dans un vaste débat. Il rappelle l’incertitude qui existe au
sujet du diagnostic, du pronostic et de la notion de conscience. Ce débat s’étend aussi du
caractère sacré de toute vie humaine à la notion de mort néocorticale. Le statut de personne
pour les patients en état végétatif chronique est pour certains auteurs mis en cause.
L’alimentation et l’hydratation artificielle sont considérées soit comme un soin de base, soit
comme traitement pouvant être interrompu. La prise de décision et la proportionnalité des
soins sont discutées.
En entretenant une relation basée sur le langage du corps et le soin envers la famille,
soutenu par le travail en équipe et le regard collectif, la plupart des soignants interrogés font
leur, dans le discours, la conception du Comité Consultatif National d’Ethique, selon lequel
les patients en état végétatif chronique sont « des êtres humains ayant d’autant plus droit au
respect dû à la personne humaine qu’ils se trouvent en état de grande fragilité ». Au-delà du
discours parfois entendu, les soignants tissent et entretiennent avec chaque patient, considéré
comme une personne à part entière, une relation singulière, unique.
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